Comment les marques nous shootent à la dopamine ?
Vous est-il déjà arrivé de ressentir un état de satisfaction en achetant un nouvel objet à prix réduit ? Ou de vous sentir apaisé rien qu’à l’idée de votre prochain achat ?
Ne vous inquiétez pas, c’est normal…
Il s’agit du résultat d'une hormone hautement addictive associée au plaisir qui s’appelle la dopamine.
Une molécule bien connue des marques qui ont appris à la secréter à distance pour nous donner envie de consommer.
- Dans les années 90, cette dernière arrivait en même temps que le catalogue La Redoute dans notre boîte aux lettres,
- Dans les années 2000, il s’agissait des alertes mails quotidiennes de vente-privee.com,
- Dans les années 2010, du Black Friday et de ses prix cassés,
- Et aujourd’hui, c’est le scroll infini sur Shein ou Vinted.
Alors, voyons ensemble comment la dopamine nous rend de nombreux services au quotidien mais aussi comment les géants du e-commerce s’en servent pour nous pousser à consommer toujours plus de produits…
1. Comment fonctionne la dopamine ?
La dopamine est une molécule responsable du plaisir, de la motivation et de l’addiction.
Depuis la nuit des temps, cette hormone nous a servi à récompenser nos efforts pour nous pousser à rechercher de la nourriture. Grâce à elle, nous avons survécu pendant des millénaires : rien qu’en anticipant le fait de se nourrir, notre corps sécrète de la dopamine qui stimule nos recherches !
Loin d’être uniquement associée à la recherche de nourriture, la dopamine nous procure des poussées de plaisir au quotidien :
- Lorsque l’on accomplit une tâche de notre to-do list, on est satisfait(e)s… mais si l’on barre effectivement la ligne : dopamine !
- Lorsqu’on achète un hôtel Rue de la Paix au Monopoly : dopamine !
- Lorsque l’on achète une nouvelle tenue qui nous va bien : dopamine !
La dopamine nous stimule ainsi à agir pour espérer ressentir une sensation de satisfaction, un état d’auto-apaisement qui récompense nos efforts, et ce peu importe la nature du résultat obtenu.
Néanmoins, il s’agit d’un plaisir temporaire, provoqué par l’augmentation du nombre des neurotransmetteurs, des molécules qui assurent la transmission des messages d’un neurone à l’autre. La dopamine ne sert malheureusement pas le sentiment d’amour propre ou d’accomplissement personnel à plus long terme.
Une expérience menée au milieu des années 1950 par deux chercheurs américains (1), a ainsi mis en exergue le “circuit de la récompense”.
Après avoir atteint un pic lors d’un achat, notre dose de dopamine diminue… provoquant un sentiment légèrement désagréable de “manque” et d’insécurité.
La perspective d’un nouvel achat nous permet alors de soulager partiellement cette sensation grâce à un nouveau shot de dopamine. Nous rentrons dans un cycle de recherche de plaisir : c’est le circuit de la récompense. Et c’est ce qui rend la dopamine très, très addictive !
Il n’est d’ailleurs pas étonnant de savoir que la nicotine ou l’alcool permettent de sécréter de la dopamine !
2. Comment les marques et e-commerçants tirent profit de la dopamine ?
Voyons comment la dopamine est utilisée pour nous inciter à l’achat avec des cas pratiques des géants du e-commerce.
A - Amazon et la livraison en un jour
Lors d'une expérience, le psychologue Frédéric Skinner s'est aperçu qu'associer des récompenses (nommées renforcements) ou des punitions à un comportement agissait sur la probabilité que celui-ci soit reproduit de nouveau.
La possibilité d’une récompense entraîne en effet une augmentation de la fréquence ou de l’intensité du comportement qui nous aidera à l’obtenir (parce que c’est arrivé dans le passé). A l’inverse, les comportements qui entraînent des punitions ou des conséquences indésirables seront moins susceptibles de se reproduire à l’avenir.
C'est ce qu'on appelle le conditionnement opérant ou instrumental.
Sur le site d’Amazon par exemple, lorsque nous arrivons au moment du paiement, la livraison en un jour est un renforcement : il a été observé que cette dernière augmentait automatiquement la fréquence d’achat des acheteurs. C'est le fruit du conditionnement opérant.
On trouve le produit en une minute, on commande facilement, on reçoit notre achat en un jour ; tadam, notre système “dopaminergique” est en ébullition et notre cerveau mémorise cette récompense pour la prochaine fois !
B - Veepee, Vinted et la récompense aléatoire
Lors d’une autre expérience, Frédéric Skinner tente de distribuer de la nourriture de manière imprévisible à des souris. Il s'aperçoit alors que ces dernières actionnent le bouton encore plus souvent lorsque la nourriture n'est pas distribuée à chaque pression exercée sur le bouton.
Et ça, c’est le résultat de la « récompense aléatoire », ou le fait que nous sommes bien plus motivés par une récompense variable que fixe.
Que ce soit en ligne, en boutique, en brocante… Si nous savions exactement ce que nous allions trouver à l’avance, il y aurait beaucoup moins de plaisir à l’achat.
C'est pourquoi lors des ventes privées, la nature de l'objet acheté n’a pas toujours réellement d’importance. Nous recherchons le moment d’excitation qui précède l’achat, l’affaire à ne pas louper qui nous procurera un double shoot de dopamine…
Car en outre, l’avantage tiré de l’achat d’un produit désiré ET moins cher multiplie les effets de la dopamine. Bingo !
C’est la même chose si vous vous retrouvez à 1h du matin à scroller sur Vinted afin de trouver le produit à côté duquel il ne fallait pas passer, en finissant par acheter en lot car c’est plus économique… Il s’agit alors de la seule façon d’apaiser votre insatiable système dopaminergique.*
Votre cerveau va ensuite stocker l’information qui mène de nouveau à cette sensation agréable et associer l’acte de scroller sur Vinted à ce bien-être.
L’auteur et conférencier Nir Eyal qui étudie les interactions entre la psychologie, la technologie et le business, explique :
« Les récompenses variables sont l’un des outils les plus puissants que les entreprises utilisent pour accrocher les utilisateurs.
La recherche montre que le corps sécrète d’importantes quantités de dopamine dès lors que le cerveau s’attend à une récompense.
Or l’introduction de la variabilité multiplie l’effet, créant un état de chasse frénétique, qui inhibe les zones du cerveau associées au jugement et à la raison tout en activant celles associées au désir et à l’exercice de la volonté. » (2).
C - McDonald’s et le combo gras + sucre
Le gras, le sucre et le sel déclenchent eux aussi un triple shot de dopamine dans le cerveau. Le corps associe alors ces aliments à la production de dopamine et en redemande. C'est pourquoi il vous arrive peut-être d’avoir du mal à refuser un fast-food…
Chez Mc Donald’s, grâce à des menus faibles en valeurs nutritionnelles, la sensation de satiété est de courte durée. Conséquence : plus on en mange, plus on en a envie, et plus il faut augmenter la quantité pour être satisfait…
Après avoir ingéré un Big Mac, l'insuline redescend brutalement, ce qui provoque un coup de fatigue et de nouveau, une faim pressante (3).
Certaines études menées sur des patients présentant des signes de dépendance évoquent des sensations comparables à un besoin impérieux de drogue ; elles mettent en exergue un désir croissant d’obtenir un fast-food tout au long de la journée suivi d’un sentiment immédiat de calme et de soulagement.
3. Les 3 clés pour aider à échapper à la dopamine
Rappelons tout d’abord que la dopamine joue un rôle dans l'attention, le sommeil, la mémoire, la cognition, la motivation… Le but n’est évidemment pas de l’éviter totalement !
1 - Savoir identifier quand celle-ci est déclenchée
En revanche, le fait de prendre conscience des techniques utilisées par les marques pour nous faire acheter toujours plus est déjà un grand pas afin d’appréhender les pièges de notre cerveau.
P
our rétablir un bon fonctionnement dans les « circuits dopaminergiques », on peut se demander quel est le «pourquoi» avant chaque achat : ai-je besoin de me sentir réconforté ? Cet achat cache-t-il un besoin d’estime ou de changement ?
Pour vous poser les bonnes questions, nous vous proposons cet article sur la méthode BISOU.
2 - Hacker le fonctionnement de notre cerveau
Et si l'on générait de la dopamine en prenant à contre-sens le système de la récompense ?
Explications. Si nous décidons de ne plus manger chez McDonald's (il y a des milliers de raisons convaincantes, dont la santé, la planète, ou encore la concurrence intensive de l'enseigne envers n’importe quel commerce local), on peut aussi générer de la dopamine avec un non-achat !
A chaque fois que nous nous rappelons que nous accomplissons une bonne action (qui permet en oûtre de mieux manger et de se sentir bien), on stimule la production de la dopamine de manière positive.
On peut aussi décider de ne pas acheter sur Amazon par conviction, un bon moyen de célébrer une réussite chaque fois que l'on évite de se rendre sur le site du géant du e-commerce. Et en cas de besoin, en soutenant un acteur local ou français, notre bonne action génèrera en bonus de l'ocytocine !
3 - Générer d'autres hormones du bonheur
La dopamine n’est pas la seule hormone du bonheur présente dans notre quotidien.
- Lorsque l’on fait une bonne action, hop une poussée d’ocytocine !
- Vous revenez d'une course à pied ? Place à l’endorphine !
- Et si vous avez une alimentation saine et une hygiène de vie hors pair, c’est la sérotonine qui vous remercie !
En tout cas, on espère que cet article vous aura procuré un petit shot de dopamine ! 
L'équipe éthi'Kdo
Qui sommes-nous pour dire ça ?
Ethi'Kdo est une initiative coopérative à but non-lucratif créée en 2019 par 6 citoyens et 6 structures de l'Economie Sociale et Solidaire dans le but de créer la 1ère carte cadeau multi-enseignes écologique et solidaire : la carte éthi'Kdo.
Seul émetteur de cartes cadeaux multi-enseignes agréé d'Utilité Sociale par l'Etat (ESUS), éthi'Kdo s'adresse aux CSE, entreprises, associations... et aux particuliers désireux de faire plaisir en offrant un cadeau réellement écologique et solidaire.
Conscient des conséquences négatives des modes de consommation actuels, éthi’Kdo se veut un catalyseur de la transition écologique et de l’économie circulaire en encourageant la transformation vers une consommation plus respectueuse des êtres humains et de l'environnement.
Notabene :
Acheter une carte éthi’Kdo, ça génère de la dopamine ?
Oui, bien sûr.
Et bonne nouvelle, offrir un cadeau éthique servira aussi à sécréter de l'ocytocine... et ça c’est une très bonne chose…
Du moment que vous ne tombez pas dans l’effet rebond !
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(1) - James Olds et Peter Milner, Découverte du circuit de la récompense
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(2) - Nir Eyal, How to manufacture desire
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(3) - Independent, What really happens to your body an hour after eating a Big Mac? Expert debunks claims
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*Le fait de se dire "Je ne sais pas si je vais le porter, mais comme il s'agit d'un achat d'occasion, je peux quand même l'acheter...", fait partie de la compensation de conscience que nous décrivons dans cet article sur les conséquences sociales et environnementales de l'essor de la seconde main.
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TedX - How a handful of tech companies control billions of minds every day | Tristan Harris
Pour aller plus loin :